Wenan était pressée. Elle ne savait pas de combien de temps elle disposait mais elle devait le faire. Peu importait le moyen. Peu importait ce que cela lui coûtait, il fallait qu'elle le fasse.

L'Arbre.

Elle n'avait jamais désobéi. Enfin pas autant du moins. Son père ne l'autorisait pas à faire grand chose. Sortir en faisait parti. Oh bien sûr, elle avait déjà posé ses pieds hors du joyeux cocon familial mais jamais seule. A cet instant la petite fille se sentait un peu perdue. Absolument pas rassurée mais il fallait bien qu'elle le fasse. Sinon, elle aurait toujours peur. Toujours.

Cela lui avait coûté plusieurs nuits blanches, des crises de larmes et de panique lorsqu'elle avait préparé son plan, des sueurs froides lorsqu'elle était partie. Wenan se demandait si dans toutes les familles, c'était aussi compliqué d'aller voir l'Arbre. Quelque chose en elle

Des rumeurs...

lui disait que non. Il était bien plus simple pour les autres enfants de faire leur Mutation. Un rite de passage pour le bien de tous salué par la famille. Elle ne comprenait pas très bien pourquoi son père ne la laissait pas faire... Peut être qu'il avait tout simplement peur pour elle. Parfois les mutations dégénéraient. Son papa lui avait dit cent fois qu'il connaissait quelqu'un qui dont le fils en était devenu fou. La petite fille avait peur de ça. Wenan secoua la tête. Il fallait qu'elle évite de pleurer. Ne pas regarder autour de soi, juste marcher. Jusqu'à l'Arbre.

Elle aimait son père. Les coups ?... Il l'aimait et ne voulait pas qui lui arrive quoique ce soit. C'est pour ça. Il était normal qu'il s'inquiète et vu qu'il était un peu nerveux... Eh bien ça tournait en coups. Mais après tout, la fillette le cherchait bien. D'ailleurs lorsqu'elle rentrerait, il la frapperait. Et elle l'aurait bien cherché. Là, elle avait fait une grosse,  grosse bêtise.

Tu ne sais pas ce qu'il t'attend, jeune fille ! Mais viens ici que je te fasse un dessin... Je me fais beaucoup de soucis pour toi... Beaucoup de soucis.

Chaque pas lui coutait. C'était mal ce qu'elle faisait. Très mal. Mais à chaque fois qu'elle voulait rebrousser chemin, ces jambes continuaient d'avancer. Elles ne lui obéissaient plus. Comme si le moment était venu pour elle de voir l'Arbre. De changer. Quitte à en devenir folle, elle aussi.  Parce que même si elle savait que sa famille l'aimait, elle lui faisait mal. Sa main frôla ses cicatrices au visage. La plus longue, elle la devait à son père. Un coup de ceinture en plein visage... Wenan n'avait même pas vu le coup arriver. Pour une bêtise pas si grosse que ça... Mais son père avait eu une grosse journée. Il y avait des jours comme ça. Il se levait, il était en colère et si on marchait devant lui lentement, on pouvait se prendre un coup dans les côtes. Si on cassait quelque chose, on avait une fessée et si on pleurait... Ceinture. Son père était nerveux... Mais cela pouvait arriver à tout le monde de perdre son calme. Wenan ne comprenait pas ce qui pouvait le mettre dans un tel état. Il y avait tellement de choses qu'elle ne pigeait pas.

Stupide ! Stupide Wenan ! Qui m'a foutu une gamine pareille ?! Ne me regardes pas avec ses grands yeux !! Si tu pleures, je vais t'en foutre une dans la gueule ! Tu le sais que je n'aime pas quand tu pleures !  Je me fais du soucis pour toi, Wenan !! BEAUCOUP DE SOUCIS SALE PETITE PESTE ! VIENS LA PRENDRE TA RACLEE !! ARRETE DE CHIALER, PETITE CONNE !

Wenan Hutago passa son autre main dans sa nuque et la massa. Elle ralentit l'allure mais continuait de marcher... Son autre cicatrice avait failli lui couter un œil. Celle-ci elle la devait à son frère ainé. Elle était plus ancienne. La jeune fille jouait avec son frère mais celui-ci n'était pas bien disposer. Elle aurait du ne pas l'embêter. Lui avoir fait mal en chahutant... Sauf que lui n'avait aucune cicatrice sur le corps.

Comme si le temps se liguait contre elle. Il se mit à pleuvoir. Wenan aimait la pluie... Sur elle, chaque goutte semblait la laver. Ses vêtements trop grands de garçon lui collait à la peau. Elle n'aimait pas ce contact trop froid mais cela restait un contact... Elle qui ne connaissait que les gifles de son père et de son frère et l'ignorance de sa mère, trouvait en la pluie une chaleur inconnue. Alors, Wenan accéléra le pas et ne se plaignit pas. De toute façon, il n'y avait personne pour l'écouter.

Cela fait combien de temps que je marche ?

Son ventre gargouillait. Depuis un moment d'ailleurs... Sauf qu'elle n'avait rien pris avec elle.  Elle était partie tellement vite... Elle n'avait vraiment pas pensé à ça. Wenan se rendait compte qu'elle avait oublié de nombreuses choses. Tous les cinquante pas, elle se retournait. La peur. A tout moment, elle s'attendait à voir surgir la Matrone qui lui ferait... En réfléchissant bien, Wenan ne savait pas. Son père l'avait mise en garde contre elle mais il avait toujours été plus ou moins évasif. Cependant  dans la tête de Wenan, ce silence était équivoque. Il signifiait bien que ce qu'elle faisait était tellement horrible, tellement monstrueux que le bon vieux chef de famille ne voulait pas la torturer avec ça. Il lui avait dit que des "choses" étaient bien pire que cette Matrone. Les Contaminés pouvaient vous dévorer sans la moindre pitié. Il ne faisait aucun doute qu'une petite fille comme Wenan ne serait pas de taille à lutter contre l'un d'entre eux.

Et s'ils étaient en meute ?

Ils y avaient des pauvres créatures qui auraient mérité de ne jamais vivre sur cette terre. C'était ce que le père disait toujours. Dans la tête de Wenan malgré la peur, ils pouvaient vivre. Loin d'elle certes, mais ils pouvaient vivre. Elle n'était pas prompte à porter un jugement de vie ou de mort. Son existence lui paraissait tellement insignifiant que condamner  quelqu'un revenait à la condamner elle-même. Pendant ce raisonnement, sa tête s'embrouillait et ses pieds s'emmêlèrent. Elle faillit tomber mais la fillette se rattrapa. Elle déglutit bruyamment. Elle ne sentait presque plus les crampes d'estomac. Désormais, la soif dominait. Lancinant et perfide, ce besoin lui remplit la tête.


Chaque pas était lourd. Encore un. Juste un. Wenan se voyait mourir à chaque pas. Pourtant, elle avait vu deux nuits. Elle avait dormi un peu la première nuit avant de faire un cauchemar. La fillette avait tellement eu peur à son réveil qu'elle courut. Malgré ses muscles endoloris. Malgré ses pieds en sang. Malgré la faim. Malgré sa soif. Malgré sa peur. Malgré son père. Elle avait fini par tomber. Elle avait repris mais en marchant. Depuis elle ne s'était pas arrêtée. Deux nuits et deux jours qu'elle n'avait pas mangé ni bu. Elle ne savait pas quelle folie lui avait saisi le corps pour faire ça.

Encore quelques pas et je meurs... Si l'Arbre n'est pas là... Je vais mourir... S'il vous plait, faites que je ne me sois pas perdue. Faites qu'il soit là. J'ai besoin... de...

De fermer les yeux. Cela faisait déjà plusieurs heures qu'elle les avait mi-clos. Elle était presque sûre de tourner en rond. Tout ce dont elle se rappelait excepté d'avoir marché, c'était d'avoir pris une branche morte assez longue. Ce bâton de pèlerin improvisé l'aidait à ne pas s'écrouler.

Wenan sentait une ombre l'envahir. Tous les monstres que son esprit pouvait créer étaient là. Venant de l'ombre de ses paupières, ils lui arrivaient par flash. Comme pour lui saisir le bras et la ramener dans la réalité où la douleur était présente. Sa gorge était du verre. Sa langue gonflait dans sa bouche. Ses yeux la brulaient même clos. Son ventre n'était plus qu'un gouffre qui demandait de la vie.

DE L'EAU !! PITIE ! DE L'EAU !!

La jeune fille n'était même plus assez forte pour savoir s'il y avait de l'eau autour d'elle. Tout ce qu'elle voyait était ces ignobles monstres. Visages déformés dans des paupières trop lourdement closes.

Je me fais beaucoup de soucis pour toi ! Beaucoup de soucis pour toi, Wenan...

Pardon...

La branche-bâton de pèlerin glissait sur le sol... Wenan garda un instant le contrôle mais ses pieds finirent par s'emmêler la deuxième fois que son appui dérapa sur le sol. Wenan tomba lourdement. Sa tête s'écrasa contre le sol. Cependant, elle ne perdit pas connaissance. Ce choc électrisa son corps. Elle ouvrit légèrement les yeux et vit.

L'Arbre...

Il était juste devant elle. Elle ne sut si c'était la fatigue ou la soif mais il lui semblait majestueux et immense. Attirée, elle rampa jusqu'à lui. Des larmes coulèrent sans qu'elle ne s'en rende compte. Joie, douleur ou peine. Elle arriva à lui, faible et misérable.

Pardonnez-moi d'arriver comme ça... Pardon...

Ramper lui parut interminable. Ses muscles se déchiraient à chaque mouvement. Mais elle était si près du but, qu'elle n'allait pas craquer. Elle le savait. Elle était plus forte que ça. Et si elle mourrait, elle le ferait au pied de l'Arbre. En sang  et à demi-consciente, elle réussit.

Wenan se blottit contre le tronc. Minuscule bout de chair presque morte, elle chercha dans sa mémoire cette prière qu'elle avait apprise par cœur . Elle murmurait plus qu'elle ne parlait. Elle prenait son temps appuyant sur chaque syllabe. Elle ne comprenait pas certains mots. Comme hypnotisé par ce qu'elle disait, elle oubliait à mesure qu'elle priait. Elle espérait que l'Arbre lui, comprenait . Qu'il l'écoutait patiemment... Elle, la misérable fillette qui arrivait peut-être trop tard.

Elle dut perdre connaissance.


Wenan finit juste par ouvrir les yeux. Pendant un moment, elle aurait préféré rester inconsciente. Finalement, elle revint à elle, comprenant pourquoi elle avait mal. L'Arbre avait écouté. Il s'ouvrait à elle.

-Avancez-vous, quittez les veines de l'Arbre.

Alors elle se redressa avec ce qui lui restait de dignité. Pour l'Arbre, elle devait lui montrer qu'elle était reconnaissante. Elle boita jusqu'à une sorte de capsule de bois. Elle resta tant bien que mal debout et se laissa porter. Wenan n'avait strictement pas conscience que ce qui lui arrivait. Au point où elle en était, la jeune fille se donnait à l'Arbre. Il avait sa vie entre ses ...

Comment arrive-t-il à faire tout ça ?

Les portes s'étaient fermées mais elle n'avait aucune idée depuis combien de temps. Elle sursauta et s'étala par terre. Son corps avait atterri dans une chambre.

Elle rampa un peu en grimaçant. Lorsque son corps fut totalement à l'intérieur, la porte se referma derrière elle sans laisser la moindre ouverture. Wenan était enfermée. Elle se redressa avec les dernières forces qui lui restait. Si elle avait été en pleine forme, elle aurait paniquer. Mais là tout ce qu'elle voyait était...

Après quelques pas laborieux, une autre porte s'ouvrit en face d'elle. Ce fut une Voix qui la ramena à la réalité.

-Passez la seconde porte et installez-vous confortablement, laissez-vous aller...

La pièce était petite alors l'imposant siège recouvert de végétaux lui sauta aux yeux. Elle s'approcha prudemment mais elle avait tellement envie de s'assoir ! Wenan le frôla du bout des doigts.

Pardon si j'abime quelque chose mais... J'ai vraiment besoin de me reposer...

Alors la petite fille prit place et ferma presque instantanément les yeux. La Voix se fit entendre à nouveau.

- Faites votre choix.

Wenan soupira... Elle avait attendu ce moment depuis longtemps... La petite fille n'avait pas l'habitude de sourire mais là, à cet instant précis ses lèvres s'étirèrent lentement. Elle ne formula pas son vœu à haute voix mais une phrase une seule se fixa dans son esprit.

Wenan était presque chez elle. Elle avait marché. Mais autant l'aller, elle avait eu peur et n'avait rien avalé autant le retour, elle avait fait des pauses. Bien sûr qu'elle avait toujours peur. Bien sûr...  A cet instant précis, elle se sentait indécise. Une envie subite. Ne pas rentrer. Ne pas franchir le pas de sa porte... Seulement quelque chose l'en empêchait. Une pensée unique et superbe pour une fillette de 11 ans.

Je dois leur manquer... Ils doivent être inquiets... Même Papa ne pourra pas me fâcher. Il a tellement du avoir peur pour moi. Bon il va gronder... mais...

Elle ne pouvait concevoir que cela se passerait autrement. Tout ce qu'elle risquait ce devait être une gifle peut être... Mais c'était dans le pire des cas.

Alors elle avait moins peur mais ça l'oppressait. Lorsqu'elle avait quitté l'Arbre après l'avoir remercié, elle ne s'était pas sentie différente. Elle avait pris soin de se regarder, de tâter son visage... Rien ne semblait avoir été modifié. Dans un sens, la fillette était rassurée. Au moins elle n'était pas Shuuraca. Surnom que son père lui donnait lorsqu'il était en colère lorsqu'elle parlait de la Mutation

Tu vas devenir un monstre, un Shuuraca si tu vas là-bas...

Surnom qui voulait dire monstre...  

Au loin, elle voyait sa maison. Wenan s'arrêta un instant et la contempla. Etrange comme une maison qui semblait chaleureuse pouvait paraître... lointaine. La fillette n'arrivait pas bien à comprendre ce sentiment mais elle reprit la marche. Il fallait que sa mère se rende compte comme sa fille avait grandi. Elle était sortie seule ! Sans permission certes mais... Elle qui ne la regardait jamais... Son frère ne la prendrait peut être plus pour un bébé aussi...  Elle souriait.

La porte grinça lorsque Wenan la poussa.

Dans ce qui servait à sa famille de pièce à vivre, sa mère était allongée sur le sol. Wenan avait la triste habitude de la voir comme ça. Cette femme avait depuis longtemps d'abandonner sa famille sous une vapeur d'alcool. Il ne restait plus grand chose de la jeune femme volontaire et douce qu'elle avait été. Si ce n'était lorsqu'elle dormait. La fillette se pencha vers elle et replaça les cheveux poivre et sel de sa mère.

Maman... Je ne sais même pas ton Don. Ce que l'Arbre t'a donnée... Pourquoi tu ne t'en ai jamais servi ?

- Elle est belle, n'est-ce pas ?
Wenan se redressa et fit face à son frère.
- Papa se faisait beaucoup de soucis pour toi tu sais... Il t'attend dans sa chambre.
La fillette fixa son frère et hocha la tête. Son corps était raide. L'articulation de son genou craqua. Alors qu'elle passait à côté de son frère, celui-ci ouvrit la bouche une dernière fois. Sa voix était grave. Un souffle.
- Tu es allée voir l'Arbre... Tu aurai dû partir.
Wenan déglutit et ne répliqua rien. Le cœur battant, elle se dirigea vers la porte à côté de la cuisinière. La porte qui menait dans la chambre des parents. Soudain quelque chose frappa Wenan. Une pierre sembla tomber en elle. Depuis qu'elle avait posé le pied chez elle, il n'y avait eu aucun bruit. Pas un seul.

Elle ouvrit donc la porte et vit son père assis sur le lit. Il lui tournait le dos.
- Ferme la porte, Wenan...
La jeune fille s'exécuta rapidement. Son frère n'était plus dans la pièce à vivre.
- Je me suis fait du soucis pour toi... Où étais-tu ?
Sa voix était douce. Comme lorsqu'il lui racontait des histoires le soir. Comme lorsqu'il venait la bercer petite.  Pourtant, Wenan tremblait.
- J'étais... Je...
- Prends ton temps et explique moi.
Ne lui dis rien !
- J'étais partie pour... voir l'Arbre, Papa.
- C'est tout ?
- Oui...
Wenan regarda le sol. Il y eut un moment de silence. Un peu pesant mais Wenan ne fit rien qui pouvait troubler la concentration de son père. Alors lorsqu'il reprit la parole, elle sursauta.
- Viens à côté de moi, ma fille.
La fillette hocha la tête et s'approcha de son père. Quelque chose craqua. Comme du cuir. Elle n'y fit pas attention tout de suite. Et lorsqu'elle remarqua la ceinture dans les mains de son père, elle sut. Elle sut qu'il était trop tard.

Cela se passa très vite. Trop pour que la jeune fille se rende parfaitement compte de ce qu'il se passait. Elle ressentit une douleur dans le bras droit. Une pression énorme. La ceinture claqua une première fois.
- TU IMAGINES CE QUE J'AI PU RESSENTIR LORSQUE J'AI TROUVE TON LIT VIDE !!
Wenan prit une violente inspiration et contempla son père.
- Je...
- TU NE DOIS PAS BOUGER ! PAS SORTIR!
- Je voulais juste savoir !... Pour une fois être...
- ETRE QUOI ? PETITE PUTE !
- Papa ! Arrête !
Un deuxième coup. La ceinture arracha un cri. Le père déchira le pull de la fillette, découvrant une poitrine naissante recouverte de cicatrices. Deux marques rouges parallèles lui striaient le dos.
- PLUS JAMAIS TU NE SORTIRA !
- PAPA !
L'homme lâcha la ceinture et agrippa sa fille, la soulevant du sol. Lentement, il approcha son visage rougi d'elle.
- Tu es... à moi... Tu m'appartiens Wenan... alors... Plus jamais... plus...
Les larmes de Wenan dévalaient ses joues. Alors que son coeur était sur le point d'exploser... La peur... La peur la gagna totalement. Le père la jeta sur le lit.
- Tu t'es donnée à quel petit con ?
-Je.. comprends pas.. Je... ne...
- TU AS COUCHE AVEC QUI ?
- Qu-quoi ?...
La fille tremblait de plus belle. Ses mains tentaient de cacher son corps. A quoi correspondait ces choses qui poussaient ? Couché avec qui ? Cela voulait dire quoi...

Tu vas mourir.  

Son père la fixa. Plus une once de respect ou d'amour en lui. Wenan eut le sentiment de n'être que de la chair humaine sous ce regard.
- Je vais devoir vérifier si tu es encore pure... Et l'enlever moi même... cette pureté.

Tu as peur petit agneau ?... Hurle. Il faut que j'hurle. Mais personne ne m'entendra...

Le déclic arriva lorsqu'il lui frôla le ventre. 11 ans qu'elle n'avait rien dit. Juste pleuré. Jamais crié. Jamais dit à personne. Wenan obéit à l'instinct et hurla. Tout se mélangea. Colère et peur éclatèrent. Les yeux écarquillés, la jeune fille soutenait le regard de son père et lui hurlant dessus. Alors... il se produisit quelque chose que Wenan ne comprit pas...

Son père prit peur. Elle ne le remarqua pas tout de suite. Ce ne fut que lorsque son père s'éloigna vivement d'elle. Lorsqu'il regarda autour de lui en murmurant. Se plaignant. Ses yeux embués de larmes fixaient un inconnu. Son père avait perdu son visage paternel et effrayant. Lorsque cet homme posa le regard sur sa fille, il hurla. Wenan resta parfaitement immobile.

Je veux que les autres ressentent le monde tel que je le vois. Il me voit tel que je le vois ?... Ou... est-ce pire ?

Un frisson la parcourut. Inversion des rôles. Son père avait peur et Wenan sentait de la haine pour son géniteur. Toujours en pleurant, elle s'adressa à son père une dernière fois.
- REGARDE MOI PAPA ! JE VAIS PARTIR ! JE VAIS M'EN ALLER ET TU NE ME TROUVERA JAMAIS ! JE VAIS ME DEBROUILLER TOUTE SEULE ! FAIS TOI BEAUCOUP DE SOUCIS ET CREVE AVEC ! PAPA C'EST TOI LE MONSTRE ! SHUURACA !
Wenan sortit de la chambre en courant. Une pensée lui traversa l'esprit avant de partir.

Il faut que tu prennes à manger et des vêtements. Au moins ça. Mais fais vite...

Elle s'élança dans sa chambre et prit des vêtements de rechange. Sa respiration était saccadée. Son père semblait se taper la tête contre quelque chose. Elle ne savait pas combien de temps cela durait. Elle ne savait pas si c'était irréversible mais elle voulait faire au plus vite. Partir.

Wenan fourra dans un sac en toile de quoi manger pour quelques jours. Sa mère n'avait pas bougé. De toute façon, elle ne l'avait jamais fait alors...

Qu'elle reste allongée par terre...

La fillette ouvrit la porte. Derrière elle, la voix de son père retentit une dernière fois.
- WENAN !!
Elle claqua la porte et courut. Ne sachant pas où aller.